Sur les traces d'une connaissance

- Capitaine ?

Nalliavi toqua à la porte pour signaler sa présence. Sans doute l'homme qu'il appelait ne l'avait-il pas entendu quand il n'avait utilisé que sa voix. Au son d'une main cognant contre le bois, le-dit capitaine se retourna.

- Excusez-moi monsieur, bafouilla-t-il. J'étais occupé à...

- Rédiger une lettre ? J'ai vu.

Le capitaine reposa sa plume et se leva de sa chaise en souriant. Sans doute remerciait-il son passager pour sa compréhension.

- J'ai entendu un matelot, Larno me semble-t-il, se plaindre d'une demoiselle aux cheveux blancs que vous auriez transportée récemment. Elle pourrait être une de mes connaissances. J'ai tenté d'interroger votre marin à ce sujet mais il s'est mit à bafouiller en me demandant si j'étais un de ses amis et quand je lui ai répondu que oui, il est parti comme s'il avait peur que je ne le tue.

- Ah, oui, répondit le capitaine en souriant. On peut dire qu'elle ne l'a pas loupé ! Elle avait un pistolet auquel elle semblait tenir énormément, et il se trouve que Larno essayait de le prendre. Elle lui a fait manger le bois à chaque fois mais au bout d'un certain nombre de tentatives, elle en a eu assez. Elle est venue me voir pour que je l'autorise à "le rappeler à l'ordre" comme elle a dit. A mon avis, elle se fichait royalement que je lui réponde oui ou non, sa demande était plus pour la forme qu'autre chose. Quoi qu'il en soit, j'ai donné mon accord. Elle est allée chercher le marin en haut de la hune et elle l'a foutu au-dessus du vide, si elle le lâchait, sa tête aurait fini comme une citrouille écrasée sur le pont. Enfin bref, elle a exigé des excuses de sa part et il a tellement eu la trouille qu'il les lui a présenté sans même chercher à discuter. Parfois c'est un problème pour les femmes de se faire respecter à bord d'un navire qui ne comporte que des hommes. On peut dire que ça n'a pas été son cas !

Nalliavi laissa un sourire amusé se dessiner sur ses lèvres. Ca ne l'étonnait pas vraiment. A vrai dire, il s'était même demandé si ce genre d'événement était arrivé sur l'embarcation qui avait emmené Sand à son actuel lieu de séjour. Elle avait peut-être changé d'apparence, mais elle avait toujours son caractère de cochon. Il l'avait su avant même de la connaître, on l'avait prévenu à ce sujet bien avant sa première rencontre avec elle. Ceci dit, il y avait eu quelques fois ou elle s'était montrée plus démonstrative, plus aimante. Ces instants avaient été rares mais c'était justement ceci qui faisait qu'il s'en souvenait. Malheureusement, sa manie de râler avait repris le dessus très vite. Et c'était bien dommage.

- Avant que j'oublie, votre dîner sera servi dans votre cabine à dix-neuf heure trente, signala le capitaine.

Nalliavi le remercia brièvement avant de retourner sur le pont. Il regarda autour de lui et en voyant tous ces hommes qui travaillaient sur un navire, il se demanda si elle s'était engagée dans un équipage.

*Non, sans doute pas. Elle a trop de mal à recevoir des ordres. Elle aura sûrement constitué le sien si elle a l'intention de se rendre sur GrandLine*

Il soupira en comprenant que si tel était le cas, il allait devoir s'engager dans la marine et la capturer en tant que pirate et hors-la-loi. Cela ne l'enchantait guère. Lui non plus n'aimait pas recevoir des ordres. Ceci dit, il pouvait peut-être s'y prendre autrement. Ce serait même mieux à vrai dire. Il pouvait lui proposer de faire équipe. Elle se montrerait sans doute réticente au début, mais s'il évoquait la possibilité d'aller sur la route de tous les périls, elle finirait certainement par accepter. Oui, c'était une meilleure solution. Il gagnerait sa confiance au fur et à mesure du voyage et quand il aurait trouvé un moyen de revenir dans leur monde d'origine, il la ramènerait là-bas. Dit ainsi, tout avait l'air simple, mais cela allait se révéler beaucoup plus périlleux à accomplir. L'ayant déjà trahie une fois, elle allait avoir du mal à le trouver sincère. Ce qui était compréhensible d'ailleurs. Bien. Maintenant qu'il avait un plan, il ne restait plus qu'à attendre. Nalliavi circula entre les cordes et les marins jusqu'au mat de hune avant d'y monter en se servant du hauban. Là-haut, il avait l'impression d'être sur le toit du château, là ou elle l'avait emmené pour lui montrer toute la capitale. Ici, il ne voyait que la mer, la mer et encore la mer. Il trouvait ça lassant, tant d'eau qui semblait recouvrir le monde. Elle, aurait sans doute regardé les reflets danser sur les vagues et écouté le vent qui sifflerait à ses oreilles. Elle avait une telle façon d'aimer la vie. Certes, elle pouvait se montrer ronchonne, mais elle ne ratait jamais l'occasion d'agir de manière à pouvoir dire ensuite qu'elle était fière d'avoir vécu aujourd'hui, et qu'elle le serait sans doute encore plus de vivre demain. Nalliavi s'assit et posa son dos contre le demi-mur de bois qui constituait la hune avant de se retourner vers le soleil qui se couchait face à lui. En regardant au loin, il souhaita voir son visage en se réveillant demain, et la voir comme avant. En bonne santé, déterminée, brave, téméraire, ambitieuse, audacieuse. Il souhaita ceci sincèrement, sans la considérer comme un pion sur l'échiquier. Mais comme une personne avec laquelle il aimerait pouvoir discuter sans se soucier de ce qu'il devait dire ou non.