Sand en avait plus qu'assez. C'était la sixième fois en seulement deux jours que ce foutu marin stupide et macho tentait de s'emparer de Liberty en se glissant prêt d'elle. Et pour la sixième fois elle lui avait planté les dents dans le bois de la rambarde avant de soupirer. Il était ensuite reparti à son poste sans oser regarder en arrière. En revanche, elle, ne s'était pas gênée pour le fixer jusqu'à ce qu'il reprenne son travail. Après s'être assurée que le bras droit du capitaine le retenait bien sous ses ordres, elle recentra son regard sur l'horizon. Il n'avait jamais réussi à s'emparer de son arme, là n'était pas le problème. Le souci était qu'il ne retenait pas la leçon avec quelques égratignures et de simples réprimandes de la part de son supérieur. Il était temps qu'elle lui fasse comprendre que personne, absolument personne n'était autorisé à toucher son pistolet. Elle sauta de la rambarde et atterrit en douceur sur le pont avant de se diriger vers la cabine du gérant du navire. Elle entra sans frapper en claquant la porte derrière elle pour manifester sa mauvaise humeur. Le capitaine se détourna de ses cartes et après avoir constaté son mécontentement, lui fit face.

- Encore Larno?

- Oui, encore votre marin complètement abruti!

- Ne soyez pas trop dure mademoiselle.

- Nous nous étions mis d'accord avant que j'embarque à bord de votre navire. Personne n'a le droit de toucher à mes petites affaires. J'ai payé mon passage alors il me semble que vous devez tenir votre parole.

- Et que voulez-vous que j'y fasse? Les sermons ne le corrige pas, je ne peux tout de même pas le balancer par-dessus bord!

- Sans aller jusque-là, je voudrais votre autorisation pour le rappeler à l'ordre.

Il la regarda l'air soucieux. Sans doute s'inquiétait-t-il pour la sécurité de ses employés.

- Mon navire est un navire de marchandises où règne le calme et l'ordre et qui navigue d'île en île sur l'océan de North Blue sans le moindre problème. Je ne veux aucune bataille et aucune éclaboussure de sang sur ce bateau.

- Vous avez ma parole que vous n'en trouverez pas la moindre trace.

Sur ces mots, elle repartit sur le pont, cherchant du regard le dénommé Larno. Il était perché en haut du mat. Parfait. Elle saisit les cordages et commença à se hisser jusqu'à lui. Une voix lui parvint de l'endroit d'où elle venait de décoller.

- Mademoiselle descendez vous allez vous blesser!

- Il ne me semble pas vous avoir consulté en ce qui concernait ma santé Capitaine!

Ignorant ses protestations, elle rejoignit les trois marins qui se trouvaient tout en haut. Ils furent tous surpris de la voir en leur compagnie et l'observèrent, interloqués. S'adressant aux deux matelots qui ne l'intéressaient pas, elle leur conseilla :

- Vous devriez descendre.

Larno tenta de s'esquiver avec ses compagnons mais elle le rattrapa par le col et le ramena jusqu'à elle. Et même plus loin. Au-dessus du vide. La seule chose qui l'empêchait d'aller se fracasser le crâne quelques mètres plus bas était la main de Sand tirant le haut de son maillot vers elle.

- Je ne me souviens pas t'avoir autorisé à approcher mon arme.

Il était devenu livide.

- Effectivement... No.. Non. Mais... Ce n'était pas... Pas l'arme que..

- Ne te moque pas de moi, ça ne...

Et soudain, se rappelant que l'étui qui contenait Liberty se trouvait au niveau de sa taille, elle réalisa qu'il ne mentait pas. Ce n'était pas son pistolet qu'il avait tenté de toucher. C'était quelque chose situé derrière elle. Et c'était encore pire. Elle se pencha au-dessus du vide, laissant la tête de Larno pendre d'avantage, et cria :

- Votre équipage va se séparer d'un de ses membres capitaine!

Puis se redressant tout en laissant le marin entrevoir une mort éventuelle, elle lui hurla :

- J'attends des paroles précises!

- Oui... Oui je... Suis désolé madame...

- MADAME?

- Non! Non! Je vous demande... Pa... Pardon mademoiselle! Je ne recommencerai plus!

En partie satisfaite, elle le ramena en sécurité à ses côtés et le traîna avec elle en descendant du mat, l'étranglant à motié. Ce n'est qu'une fois arrivé au sol qu'elle le lâcha, avant de lui assener un coup de poing au visage. Puis elle approcha son nez du sien et siffla :

- Ta chance ne sera pas la même si tu fais une nouvelle tentative.

Elle lui donna un dernier coup avant de s'en aller vers la cabine qui lui avait été attribuée. En passant près du capitaine, elle murmura :

- Une leçon et des bleus.

- Pas de bataille pas de sang.

Le trajet jusqu'à la prochaine île se passa sans encombres. Plus aucun marin n'approchait Sand et ceux qui était envoyés par le capitaine pour l'avertir que le repas était prêt semblaient tendus et ne cessait de répéter des "Mademoiselle" confus. Elle sourit quand ce fut Larno qui dût le lui annoncer. Il bafouilla quelques paroles incompréhensibles et retourna avec ses amis matelots précipitamment. Elle le regarda courir jusqu'à la pièce commune et alla s'assoir sur la rambarde à l'avant du navire. Il n'était pas nécessaire de tuer pour se faire comprendre. La preuve ici. Nostalgique, elle repensa à son geste quelques années plus tôt. Non. Elle n'avait rien à regretter. Si elle l'avait fait, c'était pour les sauver. Pas par cruauté. Elle finit par se détacher de ses pensées et partit retrouver le plateau qui l'attendait dans sa cabine.